Franck Mc Comb, fils de Liz Mc Comb (la chanteuse de gospel), est un pianiste de génie, doublé d'un chanteur exceptionnel. On dit de lui que c'est le plus proche successeur de Donny Hathaway, l'une des légende de la soul-jazz ! C'est dire avec quel enthousiasme les connaisseurs attendent ses albums, et ça tombe bien puisqu'il vient de sortir "A New Beginning" (Boobeescoot Music/Platinum Records, décembre 2010), un opus que nous allons découvrir ensemble dans cette chronique.
Avec 6 albums à son actif, l'histoire de sa discographie est assez compliquée et fait qu'aujourd'hui, cet artiste malgré son immense talent se retrouve à sortir des albums en auto production et à jouer dans des petites salles de province...
En 1995, alors en contrat chez Motown, Frank McComb enregistre une vingtaine de morceaux pour la Motown, avec le producteur Steve Harvey. Il y avait largement de quoi faire deux albums, seulement il ne sortiront jamais : l'artiste, très pointilleux, n'est pas satisfait de la qualité et préfère ne pas rendre cette oeuvre publique.
De façon inexpliquée, on pouvait néanmoins trouver ces chansons sur le CD appelé "Motown Sessions" sur le marché noir en Grande Bretagne. Du coup ni McComb ni Harvey ne touchaient le moindre dollar sur ces ventes. Cela cause bien évidemment du tord à leur relation de producteur à artiste (qui est responsable de ce CD illégal ?), et McComb quitte Motown de façon un peu amer.
Il arrive alors chez Columbia avec "Love Stories" (2000) et une aventure dans le groupe Buckshot LeFonque. Mais globalement, Columbia ne fait pas assez d'effort pour mettre son album en avant, le supporter commercialement parlant.... Frank McComb est déçu et décide de partir encore une fois. Il retrouve finalement son ex-producteur sur un label indépendant (Malibu Sessions) pour "The Truth Vol.1". Visiblement, les démons du passés ressortent à cette occasion, et cause un véritable imbroglio entre Frank et Steve : c'est la rupture entre sa maison de disque et lui.
Frank commence alors à vendre ses cds à la fin de ses concerts (comme un pauvre artiste de quartier) et sort ses albums suivants (dont le 1er est "Straight From The Vault" en 2006) sur son propre label "Boobeescoot Music" créé pour l'occasion.
Steve Harvey prétend s'être fait floué sur "The Truth Vol.1", et décide de sortir "The Truth Vol.2", qui est une version "légale" et de meilleure qualité de "Motown Sessions". Franck le prend très mal (de quel droit touche-t-on à son oeuvre ?) et contre attaque en sortant sa version des "Motown Sessions" avec "The Bootleg 1995". Entre ces deux là, la guerre est déclarée. Steve Harvey se défend en prétextant que c'est Frank qui a coupé le contact alors qu'il avait un contrat de 2 albums sur Malibu Sessions....
Bref, tout ça fait qu'aujourd'hui Frank McComb sort des auto productions dans l'ombre au lieu d'être supporté et mis en avant par une major. J'imagine d'ailleurs qu'il ne veut plus entendre parler de maison de disque...
Du coup, après un "Straight from The Vault" (2006) très soul-jazz, nous retrouvons peu ou proue la même ambiance beaucoup plus jazzy et un beaucoup moins nu-Soul que ses premiers albums. Avec "A New Beginning", on est en fait à la frontière parfaite entre Jazz et Soul, difficile de le classer entièrement dans l'un ou l'autre répertoire. On y retrouve en tous les cas beaucoup de piano-voix (logique, c'est quand même un pianiste!), sur une batterie légère et accompagnée discrètement de cuivres (trompettes) et de cordes (contrebasse).
La voix est sans défaut, les arrangements sont parfaits, tout est d'une qualité irréprochable d'un point de vue musical. L'album est extrêmement agréable : c'est le genre de musique qui vous détend lorsqu'on la laisse en fond sonore par exemple. Et en même temps, elle devient très intense lorsqu'on monte un peu le volume.
Cette intensité s'explique peut être par le fond de l'album. "A new beggining", c'est avant tout une ode à sa femme d'une part, et à Dieu d'autre part. Sur certains morceaux, Frank affirme sa foi, notamment avec " Characters of Our God" ou "Deed to My Heart", mais il le fait aussi et surtout à travers la structure même de l'album qui commence et se termine par des interludes nommées "King Of Kings".
S'entrelacent aussi les morceaux consacrés à sa chère et tendre : "Open My Heart", "Wouldn't Trade You At All" mais surtout "Since I Said I Do" qui est l'une de mes pistes préférées sur l'album, plus rythmées et plus mélodique que les autres chansons, au même titre que "Wouldn't Trade You At All" et "Jealousy and Envy" qui se démarquent du lot.
Je me répète, mais l'album est résolument jazzy. D'ailleurs la dernière chanson sous forme de bonus track, "V12", est une composition uniquement musicale, sans voix, du pur jazz. Et c'est également l'une des bonnes surprises de l'opus. Apparemment, l'album est entièrement écrit, composé, produit, arrangé et même "choristé" par Frank lui même. Pas de doute en tous cas sur la pochette : c'est lui qui l'a confectionnée sous MSPaint ! Elle est très moche, je n'ai pas peur de le dire ! Dommage qu'il n'ait pas lancé un concours auprès de ses fans, ça lui aurait fait un peu de buzz et puis le résultat aurait sans doute été plus sympa ! Mais bon la jaquette hein, c'est loin d'être le plus important ...
Globalement, "A new beggining" est un album très riche, maitrisé, peut-être un peu trop même. On regrettera parfois le manque de variété dans le choix des instruments mis en valeur ainsi que l'absence de voix féminine pour épicer un peu l'ensemble ... la prise de risque aurait sûrement pu être plus importante mais on retiendra cet album comme celui de la stabilité, car enfin McComb semble accompli et défaits des péripéties qui ont malheureusement sabrées sa carrière...
A New Beginning tracklist
1. King of Kings (Entrance)
2. Inspire A life
3. Characters of Our God
4. Since the Day I Said I Do
5. Wishful Thinking
6. Deed To My Heart
7. Wouldn't Trade You At All
8. Leading You On
9. And Now I'm Fighting feat. Branford Marsalis
10. Jealousy and Envy
11. Open My Heart
12. In My Heart
13. King Of Kings (Exit)
14. V12 (Bonus Track)